Cinq délégations des principaux candidats à l’élection présidentielle – François Fillon, Benoît Hamon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon – ont été reçues par le Collectif Santé 2017 lors d’auditions à huis clos organisées les 9 et 16 mars . Le Manifeste « Faisons de la santé un enjeu démocratique », signé par 17 organisations d’acteurs de santé, (patients, aidants, professionnels de santé, industriels, acteurs de l’hospitalisation, étudiants en santé) a servi de base aux échanges avec les membres du collectif. Invités à se positionner sur chacune des thématiques du manifeste, les conseillers santé des candidats ont ainsi pu préciser leurs propositions. Les échanges, nourris et argumentés, ont été à la hauteur des enjeux et de l’exigence de clarté portée depuis des mois par le Collectif Santé 2017.
La santé n’a jamais été aussi présente dans un débat présidentiel. Au cœur des préoccupations des Français, ce secteur constitue aussi un enjeu de vitalité économique et sociale, d’innovations ainsi que de souveraineté nationale. Il représente 11,2 % du PIB et 10 % de l’emploi total en France. La réunion de 17 grandes fédérations ou associations au sein d’un collectif pour favoriser les débats autour des défis majeurs en santé est également un signal fort pour les politiques sur la nécessité de s’emparer de ces questions et d’y répondre.
Ces auditions ont permis de mettre en perspective les différents enjeux du système de santé – démographiques, de santé publique, d’accès aux soins, de financement, technologiques – et de préciser les engagements pris par chaque candidat à la Présidentielle. Gouvernance du système de santé, rôle des différents acteurs, attractivité industrielle, prévention, financement des soins : tous les programmes ont été passés au crible. Si les propositions de chaque équipe sont parfois divergentes sur certains sujets, la grande importance accordée à la prévention, à l’impact environnemental sur la santé, à la nécessaire modernisation du système de soins, et à la garantie de l’accès aux soins ont été des thèmes forts communs.
Synthèse de l’audition de Mickael Ehrminger, en charge des questions de santé pour Marine Le Pen
Face aux questions des membres du Collectif Santé 2017 autour des grands enjeux en santé – détaillés dans leur Manifeste publié en novembre – Mickaël Ehrminger a présenté les propositions suivantes :
Pérenniser le financement du système de santé et le moderniser
- Simplifier l’administration du système de santé, et clarifier le rôle et les compétences de chacun de ses acteurs (Etat, Assurance maladie, ARS, agences sanitaires…)
- Moderniser le système de santé avec des nouvelles technologies issues des start-up françaises
- Investir dans le DMP et les messageries sécurisées pour une meilleure coordination des professionnels, améliorer le parcours de soins et promouvoir la pertinence des soins
- Réorienter l’argent récupéré des fraudes en tout genre (fraudes sociales et fiscales) prioritairement vers la santé et la protection sociale : estimation de 100 milliards d’euros
- Développer les génériques et la vente à l’unité de médicament
- Remplacer l’Aide Médicale d’Etat par une aide réservée aux cas d’urgence ou de santé publique
- Encadrer les complémentaires en obligeant à plus de transparence et plus d’équité
- Investir dans la prévention pour vieillir en bonne santé et réduire le risque de dépendance
« Quinze à vingt-cinq milliards d’euros pourraient être économisés avec une meilleure utilisation des nouvelles technologies (étude du NHS) » – Mickaël Ehrminger.
Garantir l’accès aux soins sur le territoire
- Anticiper les départs à la retraite de praticiens, notamment médecins généralistes, en relevant le numerus clausus dans toutes les filières de santé qui le nécessitent
- Assurer une formation de bonne qualité à ces étudiants supplémentaires, en donnant plus de moyens aux universités, écoles et instituts de formation, et aux hôpitaux associés
- Lutter contre les déserts médicaux en diminuant les charges des médecins retraités qui souhaitent continuer d’y exercer, en augmentant le nombre de maisons de santé, en instaurant un stage d’internat dans une zone sous-dense
- Maintenir les hôpitaux et services de santé de proximité (pharmacies, laboratoires d’analyses)
- Augmenter les effectifs titulaires des hôpitaux, pour éviter le personnel intérimaire, plus coûteux
- Préserver l’indépendance des officines pharmaceutiques, adapter la rémunération des pharmaciens
« Afin d’améliorer la qualité de l’exercice professionnel et le parcours patient, nous nous engageons à augmenter les effectifs des soignants hospitaliers, et à favoriser une prise en charge plus globale avec une meilleure coordination des professionnels de santé » – Mickaël Ehrminger.
Renforcer la démocratie sanitaire
- Donner une place aux patients dans toutes les instances décisionnelles
- Favoriser la coopération et un dialogue constructifs entre les usagers et les professionnels de santé
Faciliter l’accès à l’innovation
- Création d’un fonds 100% public d’aide à l’innovation en santé
- Réorientation du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) sur les PME/TPE
- Augmentation du budget de la recherche publique de 30 % pour atteindre 1% du PIB
« Les industries de santé françaises sont reconnues à l’international. Nous les considérons comme des partenaires. Mais nous voulons une juste rémunération de l’innovation » – Mickaël Ehrminger.
Synthèse de l’audition de Catherine Lemorton, Gérard Sebaoun et Alfred Spira, conseillers santé de Benoît Hamon
Face aux questions des membres du Collectif Santé 2017 autour des grands enjeux en santé – détaillés dans leur Manifeste publié en novembre – les représentants de Benoît Hamon ont présenté les propositions suivantes :
Pérenniser le financement du système de santé et le moderniser
- Investir fortement sur la prévention : messages en direction des scolaires, promotion du sport, lutte contre les toxicomanies
- Engager une réflexion avec les professionnels de santé sur une délégation de certains actes médicaux (vaccination, prescription de contraceptifs, test dépistage rapide VIH…)
- Remettre à plat des conditions de travail des professionnels de santé. Les établissements de santé sont le 1er employeur en France
- Diffuser le DMP, source d’économies (éviter les actes redondants, favoriser les actes pertinents)
- Réguler les complémentaires santé, répartir les aides sur l’ensemble de la population
- Revaloriser la médecine scolaire
« Le système de santé a été construit sur le curatif, il doit évoluer. Les consultations de prévention doivent être suffisamment rémunérées. Il faut aujourd’hui engager un financement propre pour la prévention » – Catherine Lemorton.
Garantir l’accès aux soins sur le territoire
- Créer une mission nationale d’accès aux soins
- Renforcer les liens entre ville et hôpital, et les compétences des personnes impliquées dans les soins à domicile
- Continuer les incitations pour les installations dans les déserts médicaux
- Maintenir le principe du tiers payant généralisé obligatoire pour les médecins
- Réconcilier la population avec les trois vaccins obligatoires
« Quand une expérimentation au niveau d’une ARS donne de bons résultats, le passage à l’échelle nationale pose problème. Nous devons renforcer cette diffusion avec des moyens supplémentaires » – Gérard Sebaoun.
Faciliter l’accès à l’innovation
- Accélérer l’entrée des innovations, en revoyant la classification des actes
- Modifier les modes d’évaluation des médicaments
Renforcer la démocratie sanitaire
- Prendre mieux en compte la parole des patients, indemniser rapidement lorsque la responsabilité collective est en cause
- Accélérer la mise en place du service public information santé, pour que chacun puisse avoir accès à de l’information de qualité et indépendante sur internet et les réseaux sociaux
« La présence des usagers de santé doit être obligatoire dans toutes les instances décisionnelles en santé. Nous devons continuer à développer la transparence et à lutter contre les conflits d’intérêts des individus, des collectivités et des associations » – Pr Alfred Spira.
Synthèse de l’audition d’Olivier Veran, en charge des questions de santé pour Emmanuel Macron
Face aux questions des membres du Collectif Santé 2017 autour des grands enjeux en santé – détaillés dans leur Manifeste publié en novembre – Olivier Véran a présenté les propositions suivantes :
Pérenniser le financement du système de santé et le moderniser
- Investir fortement et de façon pérenne sur la prévention : éducation à la santé des plus jeunes, plans de lutte contre le tabac et l’alcool, contre la pollution, actions de prévention au travail, dans les EHPAD
- Créer des actes dédiés à la prévention
- Organiser les GHT autour de logiques de soins
- Développer l’ambulatoire
« Nous sommes très en retard en France sur la prévention, avec des budgets alloués trop faibles, non seulement au niveau des actions d’éducation et de sensibilisation, mais aussi au niveau de la recherche » – Olivier Véran.
Garantir l’accès aux soins
- Pas de déremboursement de médicaments utiles
- Plus de reste à charge (optique, dentaire, prothèse auditive) d’ici à la fin du quinquennat
- Un tiers-payant généralisable, selon la décision du professionnels de santé
- Passage de 1000 à 3000 maisons de santé, portés par les professionnels de santé lorsque cela fait sens, d’ici à 2022
- Mise en place des règles d’organisation des soins au niveau d’un territoire les plus justes possibles en concertation avec tous les acteurs
- Mesures d’attractivité à l’hôpital comme à la ville
« Les inégalités de santé sont encore trop grandes en France. Sur chaque territoire, il faut débattre de la meilleure façon de soigner, de travailler ensemble » – Olivier Véran.
Faciliter l’accès à l’innovation
- Plan d’investissement de cinq milliards sur le quinquennat pour l’hôpital, la ville et l’innovation médicale, hors Ondam
Renforcer la démocratie sanitaire
- Elargir la place des patients dans les instances de décision
- Informer le patient, travailler avec les professionnels de santé sur les indicateurs de qualité, sur la transparence afin que le patient soit au courant des expertises de chaque établissement, et sache où aller pour être pris en charge sur telle ou telle pathologies
- Etendre le droit à l’oubli
« Nous voyons émerger des patients connectés, des patients experts… Le patient va prendre une place de plus en plus importante dans la gouvernance du système de santé. Demain, à l’hôpital, le patient sera le patron » – Olivier Véran.
Synthèse de l’audition de Jean Leonetti, en charge des questions de santé pour François Fillon
Face aux questions des membres du Collectif Santé 2017 autour des grands enjeux en santé – détaillés dans leur Manifeste publié en novembre – Jean Léonetti a présenté les propositions suivantes :
Ajuster et moderniser le système de santé
- Augmenter la qualité par le juste soin, à définir entre professionnels de santé
- Supprimer les actes redondants ou inutiles par ce travail sur le juste soin et la définition de l’acte pertinent qui entraînera des économies en améliorant la qualité des soins et des conditions d’exercice professionnel des soignants
- Clarifier les rôles des professionnels de santé et renforcer la coordination entre ces acteurs
- Avoir le courage de ne pas rembourser ou de fermer ce qui ne garantit pas la qualité ou la sécurité
- Investir sur la prévention, l’éducation thérapeutique, le dépistage, l’observance, avec notamment pour tous une consultation de prévention valorisée
« Nous ferons une réforme profonde du système de santé pour dégager des marges financières tout en restant fidèles à l’esprit de 1945, et en augmentant encore la qualité. Nous organiserons des Etats Généraux de la santé pour fixer ensemble des objectifs conventionnels pluriannuels. Je préfère le contrat à la contrainte » – Jean Léonetti.
Garantir l’accès aux soins
- Revaloriser effectivement et concrètement la médecine générale, et plus largement donner un réel contenu aux soins et urgences primaires. Assurer ainsi un bon maillage territorial et donc l’accès de tous à des soins de qualité
- Retrouver les missions et la qualité de l’hôpital et organiser la médecine libérale
- Lutter contre les déserts médicaux par la création de maisons pluridisciplinaires de santé là où il y a des professionnels de santé pour les faire vivre, mais aussi par des coopérations entre libéraux et hospitaliers, et par du temps médical rendu.
- Renforcer la solidarité en diminuant le reste à charge sur certains soins ou équipements coûteux par un effort concentré sur certaines populations plus fragiles : enfants et seniors
« Ces dernières années ont été celles de la diminution de l’attractivité de la médecine hospitalière comme de la médecine libérale. C’est un énorme gâchis, et patients comme professionnels de santé sont tous perdants. Nous devons donc, en totale transparence, par une collaboration confiante, à la fois recentrer l’hôpital sur ses missions propres et réorganiser la médecine libérale » – Jean Léonetti.
Faciliter l’accès à l’innovation
- Par un accès plus rapide au marché, une juste valorisation de l’innovation, et une contractualisation dans la durée donnant aux industriels du médicament et des dispositifs médicaux une bonne visibilité sur les prix et les éventuels ajustements annuels
Renforcer la démocratie sanitaire
- Mieux informer le citoyen, y compris sur la performance médicale des hôpitaux et cliniques avec des indicateurs clairs, validés par la HAS
- Inclure les patients ou usagers dans la définition des objectifs de soins et l’évaluation des résultats
« La démocratie sanitaire s’impose à tous les niveaux. J’y crois beaucoup » – Jean Léonetti.
Synthèse de l’audition de Noam Ambrourousi, en charge des questions de santé pour Jean-Luc Mélenchon
Face aux questions des membres du Collectif Santé 2017 autour des grands enjeux en santé – détaillés dans leur Manifeste publié en novembre – Noam Ambrourousi a présenté les propositions suivantes :
Pérenniser le financement du système de santé et le moderniser
- Renforcer la médecine du travail et la médecine scolaire
- Replacer au cœur du système de soins l’offre de soins de premier recours
- Restaurer le service public hospitalier : sortir du système « tout T2A », revoir le mode de financement des hôpitaux et en finir avec « l’hôpital entreprise »
- Créer des Unions départementales de santé qui se substitueront aux ARS
« La prévention n’est pas qu’une affaire de moyens financiers. L’éducation à la santé dès le plus jeune âge, la création de centres de santé, la revalorisation de la médecine du travail et de la médecine scolaire : toutes ces mesures contribuent à un renforcement des actions de prévention » – Noam Ambrourousi.
Garantir l’accès aux soins
- Prendre en charge à 100 % tous les soins par l’Assurance maladie
- Développer des centres de santé pluriprofessionnels publics ou privés à but non lucratif (décloisonnement, délégation de tâches, stages pour les étudiants en santé, renforcement de l’attractivité de certaines régions)
- Recruter massivement du personnel dans les établissements hospitaliers
- Créer un corps de médecins généralistes fonctionnaires
- Instaurer des cours d’éducation à la santé dès la maternelle
- Créer un pôle public du médicament pour assurer la production de médicaments essentiels, et la formation des professionnels de santé
« La prise en charge à 100 % des soins par l’Assurance maladie est une de nos mesures phares. Elle est égalitaire, facile à financer par l’économie des frais de gestion que cette mesure entraine et par l’impossibilité des dépassements d’honoraires » – Noam Ambrourousi.
Coordonner l’ensemble des politiques avec la politique de santé
- Obligation de réaliser une étude d’impact sanitaire avant tout projet de loi
- Instauration de normes environnementales beaucoup plus strictes afin d’interdire tout produit avec un impact négatif sur la santé
- Lutte contre l’habitat insalubre et la précarité énergétique
Renforcer la démocratie sanitaire
- Présence des usagers de santé à tous les échelons du territoire
- Gouvernance des unions départementales de santé par des représentants des citoyens, des collectifs de patients, des élus et des représentants de l’Assurance maladie
« Nous voulons une santé accessible, publique et gratuite, ce qui passe par un renforcement du service public hospitalier et le développement massif de centres de santé locaux et pluriprofessionnels » – Noam Ambrourousi.
Satisfaits de voir la santé enfin traitée comme un thème central de la campagne présidentielle, les membres du Collectif Santé 2017 continueront à nourrir les réflexions des différents courants politiques dans les prochains mois, tout en poursuivant leur ouverture aux acteurs de santé désireux de concourir à cette démarche inédite d’interpellation.
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